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Un film à voir absolument

Le film est remarquable à tous égards, tant sur le fond que sur la forme. Le fond, c’est le tableau de la société allemande en République Fédérale à la fin des années 50. 15 ans après la fin de la guerre, un magistrat de haut rang, procureur général du land de Hesse, recherche systématiquement les anciens criminels de guerre nazis pour les traduire devant la justice de son pays. Ancien militant social-démocrate ayant dû fuir les nazis pour raisons politiques, on apprendra incidemment qu’il est d’origine juive. Je dis incidemment car, déjà par cette pirouette de présentation, les auteurs du film se placent ailleurs que dans la sempiternelle lutte pour la rédemption post-shoah. C’est « simplement » un magistrat qui traque les anciens nazis. Mais il le fait dans le contexte de cet État dans lequel aucune dénazification significative n’a été réalisée. Et les services de l’État, justice, police, renseignements généraux et contre-espionnage sont infestés de nazis, installés et soutenus par l’éminence grise, secrétaire d’État d’Adenauer, Heinrich Glöbke, ancien haut dignitaire et idéologue nazi. Arrive alors le « cas Eichmann », incidemment toujours, grâce à une lettre adressée à Bauer en provenance d’Argentine. Toute la trame du film sera la lutte de Bauer pour le traquer, le faire enlever sur place, avec l’espoir de le faire juger en Allemagne pour créer les conditions d’une prise de conscience du peuple allemand vis-à-vis des crimes commis en son nom par le régime nazi. Pour cela, il devra faire appel au Mossad. Car c’est en fait CONTRE l’ensemble de la structure juridico-policière de l’État allemand post-nazi qu’il va devoir mener son enquête et parvenir à ses fins.

Le titre français du film est une édulcoration intentionnelle du titre original allemand : Der Staat gegen Fritz Bauer, à savoir l’État contre Fritz Bauer. Cette édulcoration trouvera sa place dans les commentaires cinéphiles spécialisés :

Télérama : « Mais pour avancer dans son enquête, il doit faire face à une administration qui préfère reconstruire le pays plutôt que remuer le passé. »

Allociné : « Les tribunaux allemands préfèrent tourner la page plutôt que le soutenir. »

Seule La Croix aborde timidement le thème : « D’expérience, il sait que les nazis en fuite bénéficient de complicités au cœur du système judiciaire allemand qui leur permettent de fuir avant leur arrestation ».

De fait, d’un bout à l’autre, c’est la bataille d’un magistrat contre les criminels en planque ou en fuite avec la complicité active des structures de l’État Fédéral. D’ailleurs, le film commence par une tentative ratée des services secrets de le « suicider ». Et il se termine par l’élimination pour crime d’homosexualité d’un des jeunes procureurs qui l’a soutenu dans sa quête. Quant à son rêve d’une extradition d’Eichmann pour qu’il soit jugé en Allemagne il se heurte à la décision gouvernementale de ne pas demander l’extradition. On voit là à nouveau en filigrane la patte de Glöbke, le même qui a fait refuser à un des officiers ayant tenté de supprimer Hitler le droit de réintégrer la Bundeswehr au motif « qu’il ne voulait pas de traître dans l’armée allemande ».

Reste un autre élément intéressant de ce film, la prestation éclatante de vérité de l’acteur principal qui incarne le procureur, avec un air mélangé de Willi Stoph et d’Erich Honecker.

Au total donc, et pour le communiste que je suis, la surprise et la satisfaction de voir enfin quelque part dénoncé, sans avoir l’air d’y toucher, et sans a priori politique, la structure de cet État créé par les USA et les « occidentaux » comme glacis anticommuniste après la victoire de l’URSS sur les puissances de l’Axe. Qui mieux que les nazis pouvait accomplir cette tâche.

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