Et que faudrait-il faire ?
Se cacher du public, rester dans sa maison
Et des chapeaux pointus attendre les auspices
En espérant des jours qui me soient plus propices ?
Se lamenter tout bas la tête dans les mains
En refusant de voir chanter les lendemains ?
Non merci.
S’angoisser, avoir peur, être blême,
Chaque fois qu’uriner repose le problème,
Se regarder pisser, en guettant la couleur
Tout en suivant le feu qui coule avec l’humeur,
Sentir passer par là des petits grains de poivre,
Retourner dans son coin, s’enfermer dans un havre
Où retrouver la paix sans dire un mot de plus ?
Non merci.
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Sur des vessies traitées de façon radicale.
Accepter sans broncher d’entendre les discours
De petits maîtres sûrs de leur fait, de leurs cours,
De ce que leur a dit Madame Statistique
Qui parle de savoir, de science et de technique,
Qui parle de survie sans parler du vivant,
Qui impose un après sans évoquer l’avant ?
Non merci.
Écouter, stoïque, avec patience
Parler tranquillement, avec condescendance,
De ce qu’il est admis qu’il faut faire, un standard
Dont sont passibles ceux qui s’y sont pris trop tard,
Qui ont dans le passé fumé des cigarettes
Et paient aujourd’hui cela comme des dettes.
« Car ce standard, mon vieux, il fait autorité
Et en aucun cas ne peut être discuté.
et si tu ne veux pas, les courbes de survie
Sont là pour te passer de tout refus l’envie. »
Et rentrer dans le rang des « cas qu’il faut soigner »
S’entendre reprocher « pourquoi tu discutailles »
Quand il s’agit de te dévaster les entrailles,
Et de ne te laisser qu’un triste pendentif
Dénervé et ballant, jamais plus réactif,
Là où régnait un vit, symbole de puissance,
Ne laisser qu’un boyau et une incontinence ?
Non merci, non merci, non merci.
Mais rêver,
Imaginer sa vie sans rien en enlever,
Soigner bien entendu le mal qui veut t’occire
Et pour cela chercher partout, écouter, lire,
Dans les livres, les films, aux fins fonds d’internet
Comment contrer enfin un discours aussi net
Rechercher d’autres voies, une autre alternative
Ce qu’on fait à Boston ou à Tananarive
Ne pas se contenter d’un savoir trop local
Se méfier d’un consensus trop radical.
Remettre en discussion toutes les certitudes
Voir s’il ne s’agit pas simplement d’habitudes
De modes de pensée commode, rituels,
Économiques en efforts intellectuels.
Par chance, dans ces lieux où régna sans partage
Le bistouri sauveur et sa puissante image
Plusieurs siècles durant, il advint d’autres choix.
Physique, puis Chimie, puis les deux à la fois
Sont venus compléter puis contester sa place.
Et aujourd’hui le bistouri quoi que l’on fasse
N’est plus le seul recours dans de très nombreux cas.
Alors, il faut rêver, bannir les faux tracas
Bâtir si ça convient des châteaux en Espagne
Retrouver la chaleur du corps d’une compagne
Retrouver le bonheur comme seul horizon
Laisser s’il le fallait de côté la raison
Vivre sans retenue les plaisirs qu’elle apporte
A aucune occasion de joie fermer la porte
Et s’il faut endurer des maux pour se guérir
Etre persévérant et patient sans gémir
Boire jusqu’à la lie la coupe trop amère
Pour déguster après bon vin et bonne chère,
Mais garder pour jouir son corps en un quartier
Et puisqu’il faut partir un jour, partir entier.
Additif après commentaire extérieur :
Certes il n'est pas question de ne pas se traiter
Ni prendre avec la vie de risques inutiles
Mais l'expérience aidant il me faut bien compter
Avec ce que je sais des discussions futiles
Des standards ni revus ni remis en question
Des principes vieillis, et de ce qu'il FAUT faire
Je veux participer à toute discussion
Et rester un acteur majeur de mes affaires