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Véronique Courjault est sortie de prison. Cette dame avait été condamnée à 8 années de réclusion pour avoir dénié la réalité de 3 grossesses et avoir congelé ses bébés à leur venue au monde. Elle a par ailleurs des enfants dont elle s’occupe tout à fait normalement, étant pour eux, comme dirait Winnicot, une mère suffisamment bonne.

 

Au moment de la découverte de l’affaire et ensuite du procès, on avait longuement glosé sur le fait que ce triple assassinat était le résultat du « déni de grossesse ». Et d’essayer d’expliquer l’inexplicable avec des mots d’explication parfaitement inadaptés et à ceux qui étaient à l’écoute et aux faits évoqués.

 

Des mots inadaptés aux auditeurs, c’est-à-dire incompréhensibles pour eux, c’est monnaie courante dans la bouche de gens non compétents sur le sujet évoqué, en d’autres termes de gens qui parlent de ce qu’ils ne connaissent pas. Les journalistes sont souvent de ceux-là. C’est moins acceptable de la part de « spécialistes » qui sont de gens supposés savoir. Mais, souvent, c’est là une manière de langue de bois qui est utilisée ; car parfois les spécialistes pataugent, les gens supposés savoir ne savent pas et alors ils parlent pour ne pas en avoir l’air.

 

Car si on veut exposer une idée sur un quelconque sujet, surtout quand il s’agit d’une réalité concrète qui nécessite d’être expliquée, encore faut-il avoir les moyens de décoder les éléments constitutifs de cette réalité. Faute de mieux, on a donc ressorti  des tiroirs de la pathologie psy (chologique ? chanalytique ?) le concept de déni de grossesse.

 

Le grand Robert donne comme définition du déni : refus de reconnaître comme vrai. Et il n’atteste comme exemple que le déni de justice, dont se rend coupable un juge qui refuse de juger sous des prétextes dilatoires.

Le grand Larousse du XXéme siècle dit : action de dénier un droit, de refuser ce qui est dû. Et il reprend le même exemple attesté.

Littré donne une définition nette : action de nier. Puis il leur emboîte le pas en donnant à ce mot le caractère de terme de jurisprudence.

Le Quillet donne la même définition et ajoute : n’est guère utilisé que dans des locutions déni d’aliments, déni de renvoi, déni de justice.

 

Si l’on en croit l’association qui milite pour sa reconnaissance, le déni de grossesse se définirait comme le fait, pour une femme enceinte, de ne pas avoir conscience de l’être.

En psychanalyse, le terme "déni" a aussi sa définition : il s'agit d'un mécanisme de défense qu'un individu met en place pour se protéger d'une souffrance par trop insupportable.

 

Et c’est là que le bât blesse. Car d’une part le terme de déni semble avoir été utilisé pour les besoins de la cause sans que son sens premier ne soit retenu. D’autre part, et pour autant que l’on tienne à utiliser ce terme dans cette nouvelle acception, on peut certes en même temps définir le déni de grossesse comme une absence de conscience d’un état physiologique et définir le déni comme un mécanisme de défense, autant le lien entre les deux est difficile à établir.

Le plus simple est alors de considérer que le déni de grossesse est une pathologie psychiatrique. C’est ce que l’Association précitée prône en considérant qu’il s’agit d’une parmi « les principales affections psychiatriques ».

Jessica Bily, jugée pour infanticide, a été acquittée pour ces raisons par la cour d’assises du Hainaut. La cour a reconnu le déni massif de grossesse de l’accusée, que les experts avaient mis en lumière durant le procès.

Et le bât blesse d’autant plus que dans ce cas comme dans celui V.C., il y a eu des morts néonatales, et que la problématique du déni de grossesse a été mise en avant seulement lorsqu’elle a conduit à la mise à mort du nouveau-né.

 

Je voudrais intervenir successivement  sur  trois points.

Premier point : y a-t-il un mécanisme biologique identifiable qui permette de ne pas avoir conscience d’être enceinte alors que la grossesse est en cours ?

Deuxième point : quelle logique interne peut conduire à l’infanticide après le déni ?

Troisième point : dans le cas de VC, qu’est-ce qui conduit à congeler ses bébés et à les maintenir congelés pendant des années


Y a-t-il un mécanisme biologique identifiable du déni ?

 

Pour répondre à cette question, on ne peut pas se référer aux « topiques » freudiennes . Celles-ci exposent des mécanismes mentaux sans, à aucun moment, leur reconnaître un quelconque substratum physiologique. On veut bien alors admettre que certains d’entre eux puissent avoir des effets organiques. C’est la base de la pathologie dite psychosomatique. La « somatisation » psychogène, dans le cadre des névroses,  est admise sans que les mécanismes physiologiques en soient exposés, encore mois démontrés. Et ce, alors que Freud lui-même, dans sa correspondance avec G. Groddeck, avait reconnu que la psychogenèse des troubles somatiques était sujette à caution.

Les travaux de H.Laborit nous éclairent cependant bien sur ces mécanismes. L’inhibition de l’action et ses conséquences pathologiques ne peuvent plus être balayées d’un simple mouvement de menton. On les laisse cependant dans l’ombre.

 

Mais cela n’explique pas les phénomènes en cause dans le déni de grossesse. Une vie d’obstétricien m’a permis d’être confronté à ces manifestations.

Quelques exemples : une patiente se présente à la maternité avec d’importantes douleurs abdominales. Elle ne se sait pas enceinte. C’est encore une époque sans échographie et la patiente est obèse. Pas d’obstétricien sur place. Le chirurgien l’opère pour coliques néphrétiques. Le bébé pèse 4 Kg.

Autre cas : une jeune adolescente de 14 ans consulte pour fatigue anormale, règles irrégulières. Elle n’a jamais eu de pénétration génitale, juste des caresses un peu proches avec son petit ami. Quand elle s’allonge sur la table d’examen la voussure abdominale est évidente. L’échographie confirme une grossesse de 6 mois.

Autre cas : une jeune fille vient à la maternité amenée par les pompiers. Son bébé entre les jambes un peu coincé par la culotte en nylon. Elle est totalement sidérée par ce qui arrive. Pendant qu’on s’occupe d’elle, son père, qui l’élève seul, tourne en rond dans le couloir, abasourdi, se parlant à lui-même : « je voyais bien qu’elle mangeait bien… j’étais content qu’elle arrête de maigrir… elle avait de bonnes joues… ».

Autre cas : grossesse ignorée par la jeune mère adolescente et complètement passée inaperçue de ses parents. Accouchement un peu prématuré sans plus. La structure familiale permet la prise en charge du bébé par sa mère qui l’allaite, et par ses grands-parents qui l’accompagnent sans un mot de reproche.

Dernier cas : une patiente est suivie en consultation de grossesse. Elle ne perçoit pas les mouvements de son bébé. Au 9éme mois, alors que les mouvements sont visibles par tout le monde, aucune perception n’est possible par la mère. Dans ce cas, il n’y a pas de déni de grossesse. Simplement, le mécanisme d’absence de perception de la réalité du bébé est en place. À la grossesse suivante, la perception sera présente normalement.

 

Ce dernier cas est significatif de ce qui est en cause et interroge le clinicien.

En effet, les autres situations citées sont finalement sinon banales, du moins banalisées. Et les explications  de comptoir sont aisées à trouver : la grosse qui ne se voit pas grossir, la gamine qui ne sait pas que l’on peut être enceinte simplement par contact du sperme avec la glaire, le père qui ne voit pas sa fille comme une femme et la fille qui cache soigneusement son état, la gamine qui est enceinte mais qui ne s’en rend pas compte ou qui ne peut se résoudre à se l’avouer.

Mais la femme enceinte, qui se sait enceinte, dans un couple constitué, avec un désir d’enfant exprimé et vécu en couple, qui consulte régulièrement et participe à un groupe de préparation à la naissance où la recherche et la reconnaissance des sensations profondes est un des maîtres mots, et qui ne perçoit pas les mouvements de son bébé jusqu’à la fin de la grossesse, c’est un cas qui sort des limites imaginables. Même la psychiatrie ne peut nous être d’aucun secours, tellement cette personne est adaptée, équilibrée et sans aucun trouble de la personnalité repérable.

 

Nous avons proposé une explication à ce type de phénomène dans notre ouvrage « Le Naître Humain » paru en 1999. Nous allons en donner un résumé.

Les organismes vivants vivent dans un environnement dans lequel ils puisent les approvisionnements nécessaires à assurer leur survie. Les animaux, mobiles dans l’environnement, sont dotés de systèmes qui leur permettent d’y repérer les substrats nécessaires et d’aller les prélever en tant que de besoin. En même temps, l’environnement contient des éléments susceptibles de mettre la survie en danger par le mécanisme de l’agression, le plus souvent déterminée par la situation de l’organisme considéré dans la chaîne alimentaire. Un autre facteur peut déterminer un comportement agressif, c’est la reproduction, la recherche du partenaire et les compétitions qui s’ensuivent. Approvisionnement énergétique et recherche du partenaire de reproduction constituent les besoins fondamentaux des organismes vivants mobiles dans l’environnement. L’agression étant susceptible de mettre en cause la survie, des mécanismes sont en place pour répondre à l’agression. Les comportements de réponse à l’agression sont toujours de deux types : soit la réponse agressive visant à neutraliser l’agresseur, soit la fuite.

Ceci est vrai d’un bout à l’autre de l’échelle des espèces, y compris l’espèce humaine.

Avec l’évolution, des superstructures neuro-psychiques de plus en plus complexes se sont mises en place. Les réponses à l’agression se sont complexifiées en même temps.

Dès le stade pré-humain (psychisme perceptif), l’anticipation est possible et l’évaluation de la situation agressive peut conduire à ne choisir ni la fuite ni la lutte lorsqu’elles apparaissent impossibles : avec l’expérience de l’inefficacité de l’action, un comportement nouveau apparaît, celui d’inhibition de l’action. Il s’agit d’un comportement d’attente en tension qui crée des perturbations physiologiques et à la longue des dégâts organiques. Au stade de la conscience humaine, cette inhibition de l’action est responsable de ce que l’on appelle les troubles psychosomatiques, troubles organiques sensés être d’origine psychique. Ces troubles peuvent aller de l’urticaire au psoriasis, de la colite spasmodique à l’asthme bronchique, mais aussi à l’ulcère gastrique, à l’infarctus du myocarde et au cancer.

A ce stade cependant apparaît la capacité d’avoir conscience de soi, d’identifier son organisme comme objet de connaissance et donc de prendre conscience des sensations qui en proviennent. Cette perception est possible chaque fois que les mécanismes d’adaptation physiologiques sont mis en défaut et qu’une adaptabilité supplémentaire est nécessaire. Cette perception se fait sous la forme consciente suivante : « j’ai faim » ou « j’ai soif » par exemples, et exige de mettre en place des stratégies pour alimenter son organisme en substrats énergétiques ou en eau. Elle peut aussi se faire sous la forme « j’ai mal » lorsque le besoin d’adaptabilité supplémentaire est dû à un désordre organique, une inflammation, une tumeur etc…

En même temps, la conscience humaine s’accompagne d’un comportement relationnel avec les autres membres de l’espèce et l’organisation de ces relations dans le cadre de la société.

Pour l’être humain, la société devient un deuxième environnement à côté de l’environnement biosphérique.

Ainsi, l’organisation sociale devient porteuse des mêmes avantages et inconvénients que la biopshère : possibilités de pourvoir aux approvisionnements et situations agressives.

Mais elle est aussi à la base de frustrations du fait de  l’établissement des dominances, et du fait de ces frustrations, elle crée un type particulier d’agressions auxquelles l’individu a du mal à se soustraire : le stress psychososial.

Les mécanismes de réponse à l’agression sont cependant univoques ; en cas de stress psychosocial la lutte est inefficace, la fuite est impossible, l’inhibition de l’action devient la règle. 

Parmi les effets de la vie en société, on notera qu’un certain nombre de comportements basiques vont devoir évoluer. Par exemple : déféquer ou uriner sont des actions biologiques génétiquement programmées mais, dans le contexte social, elles exigeront des comportements adaptatifs complémentaires. L’anticipation de l’action physiologique, pour la mettre en œuvre dans le contexte social, exigera la perception des organes internes (la vessie pour ce qui est d’uriner) mais  dans ces cas, la perception ne sera pas due à un désordre organique, mais à un apprentissage qui installe dans les centres de commande nerveuse un frein à l’action spontanée. Cet apprentissage est celui de la « propreté » condition rapidement essentielle à la socialisation et rédhibitoire lorsqu’elle n’est pas maîtrisée.

Ce type de frein psychosomatique sera installé progressivement dans tous les domaines de la vie sociale, interférant ainsi systématiquement dans les mécanismes physiologiques d’adaptabilité spontanée génétiquement programmés.

Les interdits prendront place « naturellement » comme blocages physiologiques.

Et lorsque les adaptations supplémentaires ne pourront s’exprimer faute de pouvoir réunir les conditions de leur réalisation (WC disponibles par exemple, continence difficile voire incontinence), ces freins psychosomatiques acquis agiront comme des agressions internes et aboutiront à des comportements soit de réponse agressive (transgression de l’interdit, pipi ou caca dans un coin de rue…), soit de fuite (exclusion du risque par exclusion des relations sociales), soit inhibition de l’action (constipation p.e.).

On voit bien dans ces exemples que l’animalité n’est plus déterminante. Les mécanismes d’adaptation génétiquement programmés sont mis en difficulté par les contraintes sociales et l’adaptabilité supplémentaire nécessaire vient en compétition avec la physiologie. Le contexte social se comporte comme un deuxième environnement ayant des exigences comparables pour la survie que l’environnement biosphérique. Le risque d’exclusion sociale du fait de l’inadaptation à ces contraintes impose des apprentissages contraignants, sous peine de perdre les avantages liés à l’insertion sociale.

Mais la mise en place du psychisme conscient a une autre conséquence. La conscience humaine a ceci de particulier, nous l’avons répété plus haut, qu’elle est capable de prendre conscience de soi. Et le moyen de cette conscience de soi est nécessairement la perception de ce qui se passe en soi, la perception des phénomènes organiques internes, au même titre que les phénomènes qui se produisent dans l’environnement. Les cinq sens ont cette capacité de refléter l’environnement dans ses diverses composantes sensibles : lumière (vision), variations de pression (sons, tact), variations chimiques (goût, olfaction).

Les sensations en provenance des organes internes sont véhiculées au cortex par les mêmes voies qui les véhiculent vers les noyaux centraux qui assurent la régulation des fonctions vitales. La perception de ces sensations se fait spontanément lorsque les conditions organiques exigent une adaptabilité supplémentaire que les mécanismes de régulation automatique ne peuvent assurer. Une action dans et sur l’environnement est alors nécessaire. La prise de conscience permet la mise en œuvre d’une stratégie adaptée (sensation de faim conduisant à la recherche de substrats, de soif conduisant à la recherche d’eau, de désordre organique conduisant la consultation médicale…).

L’ensemble des perceptions et la représentation globale qui en découle est appelée schéma corporel.

Le problème, c’est que le cerveau limbique, celui qui gère les émotions, le plaisir et la douleur, mémorise l’ensemble des sensations éparses dont l’ensemble constitue une situation déterminée. Et l’ensemble des ces sensations inclut bien évidemment celles qui proviennent de l’environnement et celles qui proviennent concomitamment du milieu, qu’elles soient liées par une relation de cause à effet (le feu, la chaleur et la destruction locale de tissus par la brûlure déterminant une perception de douleur) ou par un simple concours de circonstances (la lumière et la douceur de la brise un soir d’été et les fragrances issues d’un corps de femme déterminant une réaction de désir ou de plaisir). L’ensemble des sensations perçues concomitamment constitue dès lors une  « image »  composite de la situation. La réapparition d’une des sensations est susceptible de ramener inconsciemment à la situation qu’elle évoque, déterminant les réactions organiques d’adaptation liées à cette situation. Ce sera une réaction d’évitement s’il s’agit d’une situation désagréable, de réenforcement et de recherche s’il s’agit d’une situation agréable.

Cette perception se heurte cependant à une difficulté liée aux capacités fonctionnelles du cortex associatif, siège de la conscience : l’apparition d’une image consciente est supportée par un réseau d’interconnexions neuronales couvrant la totalité du cortex. Il ne peut s’en former qu’une seule à la fois. C’est l’origine de la réaction d’effacement décrite par Pavlov. Il est donc indispensable que des filtres d’affect soient en place et en fonction permanente pour ne laisser passer au niveau de la conscience que les sensations indispensables à la survie immédiate.

Le sujet peut malgré tout fixer son attention sur autre chose que sa survie immédiate. Par exemple, l’assistance à une conférence ou à un cours de formation professionnelle. Les sensations profondes sont alors bloquées par les filtres d’affect qui sélectionnent les sensations liées à la situation éducative.  Une envie d’uriner pourra ainsi être occultée pendant longtemps. Elle va cependant s’imposer tout à coup à partir d’un certain seuil de nécessité adaptative. Les filtres d’affect « choisiront » alors de laisser passer la sensation d’envie d’uriner. Celle-ci effacera toutes les autres et en particulier le discours de l’enseignant ou du conférencier qui ne sera plus qu’un brouhaha inaudible du fait de la réaction d’effacement.

Ce blocage des sensations profondes est donc sélectif et peut même aller à l’encontre du choix du sujet. L’important est de noter que l’émergence des sensations profondes à la conscience est indépendant de la volonté. Il obéit à la règle irréfragable de tout mécanisme en fonction dans un organisme vivant : la survie avant tout, avec deux impératifs à satisfaire : la recherche des approvisionnements et la défense contre l’agression.

 

Le mécanisme biologique du déni.

C’est ce deuxième volet des mécanismes de survie qui va être en cause dans ce que l’on appelle jusqu’ici faute de mieux le « déni de grossesse ». En effet, la transmission des informations à partir des organes profonds, de même que celle des informations en provenance de l’environnement va faire l’objet d’une filtration sélective. Parmi les innombrables informations qui affluent vers les centres nerveux à chaque instant du temps, un choix drastique est dicté par le cortex qui ne peut prendre conscience que d’une sensation ou groupe de sensations constituant une « image » à la fois.

Cette filtration sera dite positive chaque fois qu’elle imposera une prise de conscience rapide en cas de danger immédiat réel ou supposé (odeur de fumée, frôlement non identifié, bruit suspect…) ou en cas de besoin physiologique nécessitant une adaptabilité supplémentaire (pipi, caca, faim ou soif…).

Mais elle pourra être négative chaque fois que l’affect concerné sera identifié comme susceptible de déclencher une réaction, non pas d’adaptation ou de réponse à l’agression par la fuite ou la lutte, mais une réaction d’inhibition.

L’affect est alors repéré comme agressif EN LUI-MÊME par les filtres d’affect. Contre cet affect agressif, la réponse sera du même type que celle qui concerne toute agression : la réponse agressive consistera en une distorsion de l’affect qui n’émergera à la conscience que de manière altérée voire complètement transformée, la réponse par la fuite consistera en une occultation pure et simple de l’affect.

Dans le premier cas, le décodage de la sensation sera perturbé et la prise de conscience sera faussée. Le comportement induit sera inadapté à la situation réelle. Combien de grossesses sont successivement adressées à des spécialistes du tube digestif (pour des vomissements inexpliqués), du système respiratoire (pour des toux rebelles), du système circulatoire (pour des problèmes veineux) avec tous les examens complémentaires qui vont avec, échos, radios, endoscopies etc… voire des psychiatres pour des troubles évidents du comportement. Et ce « déni », par les mêmes mécanismes, concernera les personnes entourant la femme enceinte : particulièrement les parents pour le filles trop jeunes, ou le mari dans le cas les plus fréquents. Le diagnostic de grossesse finit quand même par se faire, mettant fin à la méconnaissance du processus gravidique. Les mécanismes du déni pourront continuer à fonctionner avec occultation des sensations significatives. Le déni lui-même en tant que comportement social laissera place aux difficultés d’adaptation. Tous les cas de figure sont alors possibles : de l’acceptation plus ou moins facile, avec plus ou moins de symptômes perturbateurs au refus catégorique avec recherche des moyens d’échapper au processus gravidique et/ou à ses conséquences jusqu’à l’accouchement sous X et l’abandon du nouveau-né.

Dans le deuxième cas, c’est l’occultation pure et simple de l’affect qui prendra le masque du déni. Dans le cas qui motive notre réflexion, il concerne la femme enceinte, mais aussi assez étonnamment le mari, compagnon et partenaire sexuel. Les affects qui pourraient alerter sur l’état de grossesse sont purement et simplement occultés. Les perceptions connexes au niveau des seins, de l’abdomen, des organes génitaux sont eux aussi barrés ce qui fait dire aux personnes que ces phénomènes n’ont jamais existé.

On sait que, à l’inverse, une femme peut « faire » une grossesse dite nerveuse ; elle perçoit des sensations totalement « inventées », en fait complètement réinterprétées, par le système de filtration des affects. Ses seins gonflent, son ventre s’arrondit, elle perçoit des mouvements dans son abdomen et elle est, bien sûr, en aménorrhée. Et en l’absence d’examen médical spécialisé, elle peut mener cette « grossesse » à terme. Certaines cultures ont d’ailleurs officialisé ce type de situation avec la notion d’ « enfant endormi » qui peut attendre des années le retour de son père.

De la même façon, une femme enceinte pour qui la grossesse n’est tout simplement pas vivable, peut faire une non-grossesse d’un bout à l’autre du processus physiologique. La différence c’est que là le terme du processus c’est l’accouchement et que, d’une manière ou d’une autre, elle devra s’y confronter.

 

Cette situation de déni d’un vécu psychosomatique inacceptable, invivable au sens propre du terme, n’est pas spécifique de la grossesse. Combien de personnes, atteintes d’une pathologie grave, occultent complètement les sensations qui devraient les alerter et les conduire à consulter. Les centres anticancéreux sont pleins de ces personnes. L’impossibilité d’accepter de prendre conscience d’une pathologie gravement connotée, de vivre cette situation de pathologie dangereuse pour la survie, entraînera la consultation tardive et parfois le traitement impossible.

 

La particularité du déni de grossesse, par rapport au déni d’une autre pathologie, est qu’il concerne non pas une mais deux entités psychosomatiques dont les trajectoires vitales se croisent à l’occasion de la grossesse : le fœtus qui se développe dans le sein de la mère voit son existence déniée en même temps que se dénie l’état de grossesse de sa génitrice. De ce fait, il n’accède pas au statut de Naissant. Mais, au terme du processus gravidique, lorsque se produira le processus de l’accouchement, il faudra faire avec cet individu inattendu, dont la seule existence change les statuts et implique les rôles nouveaux que toute naissance implique pour lui-même et son entourage, sauf que cette venue au monde est tout sauf une naissance, et que ce nouveau-né n’est pas un Naissant.

Un déni de grossesse, c’est quoi ? www.afrdg.info/article.php3?id_article=1
Jessica Bily a été acquittée par la cour d’assises du Hainaut. www.lalibre.be/actu/belgique/article/569929

néologisme formé par le Dr Tourné pour désigner l’embryon, le fœtus, le nouveau-né puis le nourrisson et le petit enfant jusqu’à l’âge de 2 ans et demi, la période qui court de la prise de conscience de la grossesse par la mère jusqu’à la fin de la structuration du système nerveux central est la période de Naissance. Cf le livre « Le Naissant » édité par l’Harmattan Paris 2007.

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