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Un voyage à Moscou.

C’était un voyage prévu de longue date par mon fils Bérenger, comme cadeau pour mon 70ème anniversaire. Se situant psychologiquement et politiquement dans le droit fil des lignées familiales paternelle et maternelle, c’est un communiste convaincu, conséquent, avec une culture politique et idéologique étendue. Ce voyage à Moscou était donc, pour lui comme pour moi une sorte de pèlerinage sur le lieu des grandes heures de la révolution socialiste ayant donné naissance à l’URSS. Car si c’est à Saint-Pétersbourg que se déroula la Révolution d’Octobre, c’est bien à Moscou que se consolida le pouvoir socialiste avec Lénine d’abord, Staline ensuite.

"à Moscou !"

Pour l’enfant puis l’adolescent que je fus, Moscou était un mythe de l’ordre du roman familial. La mort de Staline fut un deuil familial. Le qualificatif de stalinien collé à mon père lors d’une campagne électorale l’année de mes 10 ans devint pour moi un titre de gloire. Stigmatisé dans mon coin lors des « évènements « de Hongrie, j’appris que l’URSS était quelque chose comme mon arrière-cour et que si je n’étais pas content je n’avais qu’à aller « à Moscou ». Très jeune, je fus régulièrement renvoyé « à Moscou » dans les conversations prenant de-ci de-là une consonance politique. Pensionnaire au lycée, la stigmatisation allait parfois jusqu’à un certain isolement. Mais le renvoi « à Moscou » était une antienne régulière. Et du coup, je rêvais de ce Moscou auquel me renvoyaient tous ces imbéciles ancrés dans une psychologie particulière, une psychopathologie devrais-je dire, l’anticommunisme, totalement dénué de toute base de réflexion ou de conscience. J’y reviendrai.

Les expositions France-URSS que nous visitions régulièrement donnaient de la patrie du socialisme une représentation colorée, festive. Les matriouchka peuplaient les étagères de la bibliothèque avec les bols en bois peint de vives couleurs. Il y eut même un poupon noir, plus ou moins fille, tout naturellement baptisée Tchernotchka.

À Sirach, parmi les quelques livres que lisait Gaston, mon parrain et tuteur de fait (au sens du tuteur qui maintient droite la croissance de l’arbre), il y avait « Staline, l’Homme que nous aimons le plus ». Un portait de Staline, gravé en bois par un de ses camarades était présent auprès de nous. Les livres recommandés par ma mère, puis recherchés par moi, étaient pêle-mêle « Un homme véritable »[1], « Enfantés par la tempête », « Et l’acier fut trempé »[2], « La Moisson »[3], « les drapeaux sur les tours », « les poèmes pédagogiques »[4], mais aussi « les dix jours qui ébranlèrent le monde »[5], « Tchapaiev »[6] etc…

Boulimique de lecture, j’avalais ces romans de combat au même titre que les Zola, France, Aragon, Martin du Gard, Sand et autres Vaillant-Couturier, Wurmser, Ehrenbourg etc..

Je me formais ainsi une conscience de communiste. Et quand je dis une conscience de communiste, c’est en référence à ce que plus tard je ferais comme découvertes en cherchant du côté de la psychosomatique, un élément fondamental de la structure de mon psy, un filtre à travers lequel transitent toutes les informations en provenance de l’environnement social.

Et pour cette conscience en formation, Moscou était plus qu’une ville, c’était le lieu imposé du fantasme psychosocial fondateur. Vous vouliez que j’aille à Moscou, eh bien cette fois, j’y vais.

C’est ainsi que nous sommes partis là-bas, Simone et moi, avec Bérenger et Réjane comme complices.

Dans l'ancienne capitale soviétique

Bien entendu, je savais ce que furent les dernières années de l’expérience soviétique. Je savais que j’allais dans un pays remis au désordre capitaliste depuis un peu plus de 20 ans, pillé par ceux que l’idéologie dominante qualifie d’oligarques, comme si nos milliardaires propriétaires des industries, des moyens de communications et commanditaires des pantins politiques qui nous gouvernent, étaient autre chose que des oligarques (du grec oligoi : peu nombreux, et archeia : le pouvoir). Mais je savais aussi que le peuple russe d’aujourd’hui est encore, pour les 40 ans et plus, le fruit d’une éducation communiste, même si dans la dernière période il y avait du flottement. Et je savais aussi, pour suivre régulièrement l’évolution de la société russe d’aujourd’hui à travers les médias qui en parlent, que le peuple russe considère majoritairement « que c’était mieux avant ».

Nous voilà donc à Moscou. Une grande ville. La périphérie hérissée d’immeubles de logements comme dans nos banlieues à nous. L’autoroute d’accès au centre bordée de halls d’exposition de voitures, d’industries diverses, de stations de carburant. Vers le centre, des avenues larges, des ronds-points aérés, des rues banalement modernes, et, au centre même, des bâtiments historiques impressionnants souvent ornés de frontons avec colonnades à l’antique. Et puis l’hôtel, un peu vieillot d’apparence, dont nous apprendrons plus tard qu’il était le lieu de résidence moscovite des députés des provinces lors des séances du soviet suprême de l’URSS. Mais extrêmement confortable, justifiant parfaitement les 4 étoiles russes qu’il arborait.

À partir de là, Moscou en direct. Sous la pluie malheureusement mais avec la ferme intention de tout voir et de ne pas perdre d’occasion d’être à nos rendez-vous. Première visite : le Musée National d’Histoire Moderne, ancien musée de la Révolution. C’est en fait le musée d’histoire consacré au XXéme siècle et donc en grande partie à la période soviétique. Beaucoup de photos, de fac-similés de textes, d’appels, d’affiches, de drapeaux, Staline, Lénine et les dirigeants de l’URSS, un buste de Joukov. Bien entendu, la grande guerre patriotique avec les appels, les uniformes, les affiches là aussi. Pour la Révolution elle-même finalement pas beaucoup d’éléments nouveaux. Un film d‘époque qui tourne en boucle montrant le transfert du corps de Lénine de Leningrad à Moscou.

Mais aussi, les dernières années du tsarisme avec une tentative de mettre en scène une prétendue démocratisation en 1905 avec la promesse d’instaurer une douma, rapidement abandonnée tandis que les fusils de Stolypine faisaient des milliers de morts au cours de la révolution ratée. Les débuts de l’industrialisation aussi, attribués au tsar et qui auraient été ralentis par la guerre mondiale. Tentative aussi de raconter l’histoire de la Révolution comme conséquence de la guerre.

Mais bon : dans tous les cas, l’histoire est toujours racontée par les vainqueurs et actuellement c’est la bourgeoisie néolibérale russe qui a repris le pouvoir aux soviets et c’est elle qui orchestre et met en scène les évènements historiques. Ce sont ses historiens qui en expliquent les tenants et aboutissants.

Cependant, le musée ne fait en réalité l’impasse sur aucun fait marquant.

En sortant du musée, toujours sous la pluie, nous descendons l’avenue Tverskaïa jusqu’à la place rouge. Tverskaia, c’est l’avenue centrale du district central de Moscou. Et là, on relève immédiatement les stigmates de deux éléments qui se confirmeront au fil des visites : la prolifération et l’entretien parfait d’une multitude d’églises, et les traces intactes de l’histoire soviétique sur les murs et les monuments. Au coin de Tverskoy par exemple, une plaque rend hommage à Maressiev, l’ »homme véritable » du livre. La religion a repris dans les comportements sociaux une place considérable, « la nature ayant horreur du vide », dixit Réjane. Mais sur le fronton de la Douma, l’écusson de la Russie Soviétique n’a pas été ôté, même si l’aigle à deux têtes a été rajouté au dessus. En face, une plaque en fonte de 1m sur 1m célèbre un fait probablement important de Lénine avec son profil et son nom en lettres majuscules. Un peu plus loin ce sera la Bibliothèque Lénine qui abrite la bibliothèque nationale russe. En passant, un buste colossal de Marx avec l’appel qui conclut le Manifeste. Au bord de la Place Rouge, le musée d’Histoire de la Russie, anciennement Musée Lénine, affiche à l’entrée des visiteurs un double diaporama : l’un montre les destructions du musée dues aux bombardements et sa remise en état, l’autre est consacré à l’inauguration du musée Lénine en 1936. Finalement, pluie aidant, plus la curiosité suscitée par tout ce qui se dit à son sujet, on descend prendre le métro.

Dans le métro : le déclic

Et là c’est le déclic. Inauguré en 1935 pour la première ligne, c’est en même temps qu’une œuvre de haute technologie une véritable œuvre d’art. Les stations sont vastes et claires. Les souterrains s’ouvrent plus comme de larges tunnels que comme de simples galeries. Les escaliers mécaniques plongent vers les entrailles de la terre à une impressionnante profondeur. Mais surtout, en plus, les décorations sont multiples, variées, constituées ici et là de bronzes, de marbres sculptés, de frises en dentelles de marbre blanc toutes différentes. La première ligne fut construite dans le cadre du 2éme plan quinquennal. Et quand je dis déclic, c’est la constatation du caractère magnifique, exceptionnel de la réalisation qui se fit en même temps que l’industrialisation, l’électrification, la collectivisation des terres dans un pays encore au Moyen-Âge 15 ans auparavant et encore en guerre civile 5 ans avant. Mais c’est aussi la constatation que cette réalisation du prolétariat au pouvoir, malgré toutes les contraintes intérieures et extérieures, est une offrande grandiose au peuple soviétique. Bien sûr il y a par ailleurs les musées, les universités, les palais de la culture comme le Bolchoï ou les bibliothèques, mais là, dans le cadre d’une réalisation à vocation purement fonctionnelle, l’emballage du cadeau est digne de la considération que l’État du peuple porte au peuple. Il y aura un métro à Moscou, profond, spacieux, fonctionnel, mais ce sera en plus un écrin agréable à l’œil, un espace à vivre ensemble. Et cela dans le même temps où le monstre hitlérien fourbissait ses armes et où les difficultés de l’agriculture créaient des problèmes d’approvisionnement de la population.

Du coup, quelle honte que l’ensemble des gouvernements du monde n’ait eu de cesse qu’ils essaient de détruire cet État socialiste. Non seulement ils ne l’aidaient pas mais, après avoir financé et armé les forces contre-révolutionnaires, ils continuaient à comploter contre le pouvoir soviétique. À l’intérieur, une cinquième colonne stipendiée par l’étranger sabotait les efforts de construction d’une économie en développement. Des traîtres tels Trotsky organisaient le sabotage et la destruction[7]. L’Armée Rouge était le lieu de complots visant à mettre l’URSS à la merci de l’Allemagne nazie. Il fallait lutter sur tous ces fronts y compris celui d’une industrie d’armement capable de résister aux invasions prévisibles. Et malgré cela, on inaugurait le musée Lénine sur la Place Rouge, on consacrait la bibliothèque Lénine à la conservation de tout ce qui se publiait en URSS, on remettait en route l’opéra de Kiev, on construisait l’opéra de Bakou, de Tashkent etc.. et on ornait comme des palais les stations du premier métro de Moscou.

Dans les capitales étrangères y compris la nôtre, le discrédit systématique, la stigmatisation, le mensonge accompagnaient cette construction magnifique. Goebbels inventait l’Holomodor et la politique de mensonge systématiquement répété jusqu’à ce que la répétition en fasse une vérité. Les informateurs occidentaux lui emboîtaient le pas.

Le pire, c’est qu’ils continuent encore aujourd’hui. Il ne se passe pas un jour sans qu’une émission dite d’information dans les médias ne comprenne un mot, une phrase, une allusion anticommuniste.

Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Tandis que le PCUS sous la direction de Staline construisait le premier État libéré de l’exploitation de l’Homme par l’Homme, les organes de propagande se déchaînaient un peu partout. L’homme au couteau entre les dents représentant le bolchevik fit son entrée dans la mémoire collective dès 1919 à l’occasion des élections en France. A partir de là tout fut bon pour dénigrer l’URSS et ses dirigeants. Et la propagande anticommuniste fut tellement systématique et efficace que nombre de personnes sont actuellement atteintes de ce qui m’apparaît comme une authentique pathologie mentale: l’anticommunisme.

En effet, comment peut-on s’opposer à quelque chose que l’on ne connaît pas, dont n’a pas la moindre idée de ses tenants et aboutissants ; alors même que l’on est soi-même victime d’un système social oppressif et exploiteur ? Le réflexe conditionné par le système médiatique fonctionne à la perfection.

L'anticommunisme : une pathologie du psy

Nous avons précédemment décrit les mécanismes de défense du psy sous la forme de filtres d’accès aux affects de l’environnement, fonctionnant sur le modèle des réflexes de défense de l’organisme total psychosomatique.[8] Les affects sont classés par le cerveau limbique en agressif (à éviter) ou positif (à ré-enforcer). Pour le psy il en est de même. Un affect classé danger déclenchera immédiatement une réaction de défense, soit de fuite soit de réponse agressive. La fuite prendra la forme du déni ou de la distorsion de sens.

L’anticommunisme est le résultat d’une perversion du système d’appréciation des réalités traduites dans le langage (informations). Cette perversion est le fait, non pas d’une expérimentation qui laisserait une trace mémorielle négative, mais d’une information (mise en forme) du psy par la transmission culturelle, par le langage, par la répétition. C’est ce que dans d’autres circonstances et situations on qualifie de « lavage de cerveau ». Il s’agit ainsi d’une amputation de la capacité d’appréciation par un conditionnement systématique s’appuyant sur la transmission d’informations banales pour la plupart, dans le contexte culturel familial de base le plus souvent, tenant lieu pour l’individu d’environnement idéologique structurant, le tout dans le brouhaha permanent de la transmission médiatique.

Si je dis que c’est une pathologie de la conscience, c’est que la capacité objective de survie à long terme de l’individu est obérée. Il est clair que les individus de l’espèce humaine ont intérêt à vivre dans un environnement libéré des conséquences de la recherche acharnée du profit par une poignée de dominants au détriment de la grande majorité. Aujourd’hui que la planète toute entière est menacée dans ses écosystèmes, c’est d’autant plus évident. Des îles sont à terme à risque de submersion définitive ainsi que nombre de zones côtières où se masse la plus grande partie de la population dans des agglomérations urbaines. Des millions de gens sont frappés de malnutrition alors que la surproduction systématique liée au système capitaliste induit des gaspillages scandaleux. Les bonnes résolutions politiques affichées se heurtent immédiatement aux intérêts à court terme des grands monopoles transnationaux. Il est clair pour n’importe quel esprit sain que la qualité de survie de l’espèce passe par la neutralisation du pouvoir de nuisance de ces grands groupes industriels et financiers. Or il n’y a pas plusieurs solutions. Ou bien on continue à laisser prospérer des géants multinationaux qui n’ont qu’un seul objectif, maintenir leur taux de profit et pour cela se moquent des gouvernements, des peuples, des nations et de leurs intérêts et décisions, ou bien la collectivité reprend la propriété de leurs immenses avoirs accaparés pour les mettre au service de l’intérêt général. Comme pour une barricade, il n’y a que deux côtés. Ici c’est, soit le capitalisme de plus en plus mondialisé, de plus en plus féroce à son stade impérialiste y compris à l’intérieur même de son camp, soit la collectivisation, le socialisme, et à terme le communisme.

C’est pour éviter la prise de conscience par les individus de cette évidente nécessité que se développe en permanence la stratégie de communication anticommuniste. Et cette stratégie, systématiquement renouvelée en fonction de l’évolution des techniques de transmission de l’information, finit par boucler sur elle-même, prenant l’apparence d’un consensus général auquel personne n’échappe. Et les agents de cette transmission, eux-mêmes « informés » par le système, procèdent à la répétition des contre-vérités et approximations tenant lieu de réalité dans la plus parfaite bonne foi. Leurs commanditaires se frottent les mains. La machine Goebbels actuelle n’a plus besoin d’un pouvoir autoritaire pour continuer à distiller son contenu antidémocratique et contre-révolutionnaire : Staline est un monstre, l’URSS a envahi l’Afghanistan, le socialisme est un échec, Castro est un dictateur, j’en passe bien sûr, et des meilleures.

En fait, seule la confrontation avec une réalité contradictoire est susceptible de mettre cette stratégie en échec. Et je reviens à notre voyage à Moscou. La grande majorité des russes a vécu la première partie de sa vie dans le contexte de la société socialiste. Cette société avait certes des défauts, mais elle était socialiste. Il n’y a avait pas de structure sociale dont le but fut la propriété des moyens de production et le profit. L’essentiel de la production sociale était redistribué. L’accaparement était illégal et lorsqu’il se produisait (et il se produisait parfois) il tombait sous le coup de la loi. Le renouvellement de la force de travail des individus passait certes par la subsistance, mais aussi par la santé, l’éducation, la culture, les loisirs, les vacances considérés non comme des superflus réservés à quelques-uns mais comme des droits inhérents au statut des citoyens de la société socialiste. Tous les individus en âge de travailler avaient un emploi rémunérateur. Tous les enfants en âge scolaire suivaient une scolarité débouchant sur un métier. Les hommes et les femmes étaient égaux en droits et en devoirs.

Les héritiers de l'URSS

Vingt ans après la disparition de cette société, quand on interroge les russes, une majorité se prononce pour regretter la société socialiste. Bien entendu on traduit cela dans le système médiatique dominant par « la nostalgie de la période soviétique ». Ce n’est pas de la nostalgie. C’est une conscience, en difficulté pour trouver les voies et les moyens de son expression dans le contexte idéologique et politique, mais une conscience tout de même que le socialisme avec tous ses défauts réels ou supposés, était une organisation sociale mieux adaptée à la qualité de survie des individus. Et c’est ce que nous avons constaté dans les rues et artères de Moscou avec la permanence des symboles communistes et la célébration des personnalités fondatrices. Bien entendu un travail idéologique est réalisé pour éviter que cette conscience ne devienne une motivation à l’action. L’église orthodoxe effectue à ce niveau un énorme travail de sape de la prise de conscience. Mais la mise en avant du tsar n’entraîne aucune adhésion populaire, alors que le seul nom de Staline suscite l’intérêt si ce n’est l’approbation. On voit ainsi combien le processus dit de déstalinisation n’a concerné que les superstructures de la société soviétique. Et Khrouchtchev est mort dans l’indifférence après avoir effectué son travail de contre-révolution.

Les enquêtes d’opinion montrent que plus la moitié des citoyens de l’ex-URSS regrettent la société soviétique et considèrent que la disparition de l’URSS a été une mauvaise chose. Et c’est particulièrement vrai pour les plus de 30 ans.

Et en 2011, une expertise réalisée sur les résultats des élections législatives russes montre que c’est le Parti Communiste de la Fédération de Russie qui a obtenu le plus de voix (entre 25 et 30%), devant Russie Unie de Poutine (20 à 25%)[9].

De la conversation que nous avons eue avec le camarade Serguey Skvorstsov[10], il ressort que la population a une opinion globalement positive de la période socialiste, que Lénine et Staline sont très populaires pour reprendre ses termes. Il pense même que les autorités se méfient du 100éme anniversaire de la Révolution d’Octobre en 2017 qui pourrait être un facteur déclenchant à une manifestation publique de ce soutien au socialisme.

Le problème reste que pour qu’une action soit possible, il faut que le but de l’action puisse émerger à la conscience.[11] Or les perspectives de changement ne sont pas au rendez-vous. La société russe est bien verrouillée. La désindustrialisation a désarmé le prolétariat et précarisé une grande partie de la population. Le chômage de masse est devenu une réalité particulièrement dans la jeunesse. Et il ne semble pas actuellement que le Parti Communiste de la Fédération de Russie (officiel) ait dans ses objectifs le retour au socialisme.

Pourtant les statistiques officielles font état d’un taux de chômage aux alentours de 5 %. Mais les inégalités sont criantes : 4,8 % à Moscou, 15 % dans le Nord–Caucase et 32 % en Tchétchénie. Le bémol le plus important vient du taux de travail au noir qui serait de quasiment de la moitié des personnes ayant une activité.

Cela serait dû, d’après la vice-première ministre au fait que « dans de nombreuses régions du pays, il est difficile de trouver un emploi déclaré convenable ».

Ces informations glanées sur le net confirment les propos de Serguey sur les difficultés d’organisation de la classe ouvrière à Moscou en particulier. Les problèmes de papiers pour des « immigrants » des diverses républiques d’Asie centrale en particulier, les contrats « non écrits », en fait du travail au noir, précarisent les salariés et leur interdisent de fait de s’inscrire dans des revendications sociales ou politiques.

Alors le voyage à Moscou s’est déroulé entre les visites de musées, les déambulations dans les rues sous la pluie, la contemplation des nombreuses architectures civiles ou religieuses. Nous avons admiré les dômes pointus des églises orthodoxes qui érigent leurs tours colorées au dessus des constructions. Nous avons constaté la propreté des rues où pas le moindre détritus ou papier gras ne traîne. Nous avons été surpris du nombre de palais aux colonnades à l’antique. Nous avons mangé au café Pouchkine inventé par Gilbert Bécaud. Nous avons compté les innombrables vitrines, boutiques, restaurants en chaînes propriété de groupes internationaux. L’emblématique Hôtel Moskva a été acquis par « Four Seasons Hotels & Resorts », une société sise à Toronto et qui exploite 92 établissements dans le monde. Près de la galerie Tretiakov, nous avons mangé dans un restaurant faisant partie d’une chaîne de 12 établissements à Moscou. Le Goum est le lieu de rassemblement et de vitrine de tout ce que le luxe mondialisé compte de marques prestigieuses.

Mais la présence de nombreuses enseignes témoignant des investissements étrangers doit être tempérée par la structure de ces investissements. Pour plus de la moitié, les capitaux « étrangers » investis en Russie ne sont en fait que des capitaux russes expatriés dans des paradis fiscaux et ré-investis pour profiter sur place des avantages consentis aux capitaux étrangers[12]. En même temps, dans la rue Nikolskaia, le ministère de l’industrie russe finance et patronne des petites constructions évoquant les marchés de Noël où se proposent des productions artisanales russes. La Russie néo-libérale a ainsi conservé nombre de comportements et de lois hérités de la Russie soviétique.

Lénine

Enfin, bien sûr, et comme le point d’orgue essentiel de notre voyage, nous avons rendu hommage à Vladimir Ilitch Lénine dans son Mausolée après avoir fait une assez longue queue. Il est remarquable que quelques 100 années après la Grande Révolution d’Octobre, il soit toujours physiquement présent et que, 20 ans après le retour des prédateurs capitalistes au pouvoir, ceux-ci n’aient pas encore osé y toucher. Dans sa conscience subliminale de ce que fut Lénine pour le peuple russe, celui-ci veille encore sur le repos de son leader historique. Poutine surfe sur cette conscience nationale qui intègre l’expérience socialiste et ses dirigeants comme partie incontournable de l’âme de cette nation. Lui, le petit successeur de ces géants, les traite officiellement avec respect et considération. Et même si l’ivrogne installé aux commandes de la Russie par les USA a supprimé la garde d’honneur autour du Mausolée, c’est le peuple russe tout entier qui monte la garde autour de lui.

[1] Roman de Boris Polevoï

[2] Romans de Nicolas Ostrovski

[3] Roman de Galina Nicolaeva

[4] Romans de Anton Makarenko

[5] Roman de John Reed

[6] Roman de Dimitri Fourmanov

[7] John P. Litllepage . l’or des soviets 1928-1937 . Paulsen éditeur 2007 (réédition)

[8] Le Naître Humain, cette Naissance qui vient à l’Homme. L’Harmattan Paris 1999.

[9] https://fr.sputniknews.com/politique/20130313197784769/

[10] secrétaire général du Parti Communiste de l’Union Soviétique, un des partis qui se réclament de l’héritage du PCUS.

[11] Leontiev A. Le développement du psychisme. Editions Sociales

[12] obsfr.ru/fileadmin/reports/2013/02_Vercueil_fr.pdf

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